Droits des femmes contre les extrêmes droites

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Le monde frissonne

mercredi 19 décembre 2018

Le monde frissonne. Le monde a froid. Un vent glacial se lève et souffle. Il nous vient des États-Unis, de Hongrie, d’Italie, du Brésil, de Pologne. C’est un vent qui souffle sur les braises de la pauvreté, de la précarité, du déclassement et de la misère. Il gonfle les voiles du sexisme, de la misogynie, du racisme, de la xénophobie, de l’antisémitisme et distille la haine de l’autre.

Il est toujours nécessaire de rappeler les propos de Trump, proférés en 2005, concernant les femmes : « Quand vous êtes une star, [les femmes] vous laissent faire, vous pouvez faire tout ce que vous voulez, les attraper par la chatte, faire ce que vous voulez. ». Ce sexisme débridé, ce manque de respect élémentaire à l’encontre des femmes, préfigurent la suppression de leurs droits. Les féministes états-uniennes ne s’y sont pas trompées, elles qui ont organisé les Women’s March le jour même de l’investiture du tout nouveau Président en janvier 2017. Depuis, Trump poursuit son entreprise de destruction systématique des droits de tous et de toutes. La récente nomination du juge Brett Kavanaugh à la Cour suprême,en dépit d’accusations d’agression sexuelle, vise ainsi entre autres à revenir sur le droit à l’avortement.

Si le chef de la première puissance mondiale se permet ces propos et ces actes, d’autres lui emboîtent le pas, encouragés par le tour d’Europe des partis d’extrême-droite de son ancien conseiller stratégique, Steve Bannon.

Viktor Orban, également proche de Poutine et premier ministre de Hongrie, a une opinion rétrograde des femmes. Il a fait modifier les manuels scolaires et on y apprend désormais que « les garçons et les filles [...] n’ont pas les mêmes capacités physiques et aptitudes intellectuelles » (Nouvel Obs du 8 avril 2018) et que les femmes doivent s’occuper de la maison, de la cuisine et des enfants. Il s’attaque aussi à l’avortement, mais « par la bande ». Ainsi, il a fait inscrire dans la loi fondamentale (la Constitution hongroise) que « la vie humaine est protégée dès le moment de la conception ». On sait où cela mène : l’interruption volontaire de grossesse devient un acte « criminel ». Orban lance aussi des enquêtes pour dénoncer l’activité des cliniques qui pratiquent des avortements médicamenteux. En octobre il a interdit que les études de genre soient enseignées à l’Université.

En Italie, en ce moment, un sénateur réactionnaire de la Ligue du Nord, au pouvoir, Simon Pillon, anti-avortement et contre le mariage homosexuel, a déposé un projet de loi en vue de modifier le droit de la famille sur les couples divorcés et la garde des enfants. Ce projet de loi vise à garantir « la garde partagée » et « la biparentalité parfaite ». Il prévoit une médiation familiale obligatoire. Selon ce texte, les enfants seraient à temps égal chez les deux parents. La pension alimentaire serait supprimée et remplacée par une somme égale, répartie entre les deux parents. Bien sûr, ce sont les femmes qui vont subir ces mesures puisque leurs salaires sont bien moindre que ceux des hommes. Des manifestations du mouvement féministe, des syndicats, et des associations homosexuelles ont eu lieu le 10 novembre pour protester contre ce projet de loi.

En Pologne, le gouvernement ultraconservateur du parti Droit et Justice (PiS), cherche sans cesse à réduire le périmètre déjà bien restreint de l’avortement. Suite à de très importantes manifestations féministes, il avait dû reculer en octobre 2016 dans sa volonté de l’interdire totalement. Un an plus tard, il a cependant recommencé. L’avortement est illégal en Pologne sauf dans trois exceptions : en cas de viol, de danger pour la mère, ou de malformation du fœtus. C’est cette dernière exception que le PiS voulait supprimer en mars dernier. Or 95% des avortements sont pratiqués selon ce motif. Il s’agissait donc bien de vider un droit fondamental de sa substance. En outre, le Président, Andrzej Duda, songe à interdire la « propagande homosexuelle » dans les établissements scolaires (Têtu, 12 novembre 2018). Auparavant, un évènement pro-LGBT qui devait se tenir dans deux cents écoles polonaises, avait été interdit fin octobre.

Ce qui se passe au Brésil rappelle également les manières de Trump. Jaïr Bolsonaro vient d’être élu et, pas encore entré en fonction, tout le monde sait déjà que c’est un fieffé misogyne. Profitant des « affaires » concernant ses concurrent.e.s de gauche et du centre, il est élu malgré les mobilisations historiques des femmes. Il a séduit par sa posture « antisystème » une partie de la classe moyenne, aidé en cela par les évangélistes et les marchés financiers. Largement inspiré de la dictature néolibérale qui a sévi au Brésil jusqu’en 1985, ses idées étaient pourtant largement minoritaires il y a encore quelques mois, et il était connu pour être relayé depuis des années par les chaînes de télévision, un « bon client » qui faisait le buzz médiatique par des propos sexistes, racistes ou homophobes. N’est-ce pas lui qui déclarait à la députée Maria do Rosário en décembre 2014 : « Je ne te violerai pas. Tu ne le mérites même pas ». Ou bien beaucoup plus récemment : « J’ai eu quatre fils et, pour le cinquième, j’ai eu un moment de faiblesse et c’est une femme qui est sortie. » (discours au Club hébraïque, Rio de Janeiro, 3 avril 2017). Il est aussi lesbophobe : « Grosse gouine », se permet-il lors d’un discours au parlement à l’intention de Eleonora Menicucci, ministre du droit des femmes, du gouvernement de Dilma Roussef (Parti des travailleurs, PT), le 1er avril 2013.

Aucun doute, le combat contre les droits des femmes, des lesbiennes et des homosexuels est très clairement à l’agenda de ces extrêmes droites au pouvoir.

Le cas brésilien est particulièrement riche d’enseignement à l’orée des élections européennes. De la manière la plus évidente, le programme économique du candidat s’articule avec les exclusions de toutes sortes. Or en Europe, les débats s’engagent également sur cette voie. La Ligue au pouvoir en Italie n’entend pas remettre en question les programmes de privatisation et de concurrence par exemple. On se souvient également que Marine Le Pen, dans sa tradition familiale et partisane, avait rendu hommage à la patriote Margaret Thatcher.

En France comme dans les pays mentionnés, ce sont largement les extrêmes droites qui soufflent le chaud et le froid sur l’immigration, en imposant leur approche, inspirant au-delà de leur camp, expirant leur haine dans une large partie du spectre politique. Rappelons que personne ne migre de gaîté de cœur. Toutes et tous fuient la guerre, les épurations ethniques, les catastrophes climatiques, la famine, la misère. Et pour les femmes et les filles, en plus de tout cela, les menaces pour leur intégrité corporelle et physique et l’excision. L’immigration fait partie de l’histoire du monde. On ignore ou on veut oublier que les migrations se font d’abord vers les pays limitrophes, et pas seulement en temps de guerre. En 2015, sur 60 millions de personnes déplacées, réfugiées ou demandeuses d’asile dans le monde, l’Europe accueille 3,5 millions de réfugié.e.s. Les autres, la majorité, s’établissent au Moyen-Orient, en Afrique ou en Asie. Nous ne sommes donc pas « envahi.e.s » par les migrant.e.s, contrairement à ce que voudrait faire croire la propagande des extrêmes droites. Boucs émissaires, les migrant.e.s seraient soit disant les causes de tous nos maux, de la misère, de la pauvreté, du chômage.

En face, on constate qu’Emmanuel Macron fabrique une opposition binaire entre son idéologie et l’extrême droite, biffant d’un trait de plume toutes les autres oppositions. Pourtant, c’est à son tour après d’autres d’orchestrer la casse des services publics et son gouvernement mène des actions extrêmement dures et arbitraires vis-à-vis des migrant.e.s (durcissement des conditions pour l’obtention du droit d’asile, renforcement des contrôles aux frontières, reconduites à la frontière, y compris de mineur.e.s...). Pas à proprement parler une politique qui combat le Rassemblement National mais qui reprend plutôt ses thèmes de prédilection. Tout cela montre un « progressisme » dont il se réclame, qui n’en est pas un, et relève d’une condamnation en paroles plutôt que d’actes concrets et de politiques effectives.

Or rien n’est pire dans la lutte contre les extrêmes droites que de vaines paroles.

Macron, qui se dit donc « progressiste et patriote », instrumentalise la montée des extrêmes droites pour se maintenir au pouvoir et dénonce leur « nationalisme ». Ces dernières le qualifient de « mondialiste » et profite de la misère et le déclassement qu’il provoque pour prospérer. Il est urgent de sortir de cette spirale infernale de la concurrence.

Les sinistres apportent donc des mauvaises réponses à de mauvaises questions. Ce sont les atteintes aux droits fondamentaux, à leur universalité et à leur effectivité, qui créent des situations barbares, permettant ensuite les instrumentalisations les plus éhontées. Il s’agit au contraire d’insuffler une pensée de la liberté, de l’égalité, de la solidarité et de la défense de la dignité de chaque être humain, quelle que soit sa situation. D’autres politiques sont ainsi possibles, appuyées sur la justice sociale et la redistribution des richesses, portées par le souffle de l’égalité entre les femmes et les hommes.